Barr Awel à Paimpol Dans le chaudron du bassin n°1 

Barr Awell est revenu du festival des Chants de Marin de Paimpol. C’est un convoyage assez long, mais les deux escales à l’aller comme au retour et surtout la présence de 188 bateaux dans le bassin de Paimpol étaient une belle récompense.

Le mercredi du départ nous avons annulé l’escale prévue à Tréguier. Le parcours s’étant principalement effectué au largue, avec un fort courant de marée, nous avons décidé devant la basse Crublent (une bouée latérale bâbord qui ouvre le chenal de Tréguier) de continuer jusqu’à Lézardrieux afin de profiter des excellentes conditions qui nous permettaient de prendre ainsi une belle avance sur l’étape du lendemain. Yvan dont les lunettes anti mal de mer semblaient faire leur office et Jean-Yves en belle forme, nous décidâmes d’embouquer le chenal de la Moisie (qui porte bien son nom) pour une arrivée à l’heure exacte de l’étale de pleine mer.
Les organisateurs nous ayant fixé une heure pour entrer dans les bassins de Paimpol en fin d’après-midi du jeudi, nous n’avions plus qu’à musarder lors d’une courte étape par le chenal de Bréhat. Nous avons mouillé quelques heures dans l’entrée de la Chambre, puis au flot, rallié Paimpol par le chenal de Lastel et le chenal de Saint Rion. Barr Awell a vite été rejoint par de nombreuses vieilles coques qui, comme nous, attendaient le plein, pour constituer une parade magnifique, saluée par des centaines de spectateurs massés le long des quais.

Un musée naval éphémère

Les trois jours suivants ont été consacrés à l’exploration des quais et des pontons. Comment arrive-t-on à caser autant de navire dans un si petit bassin reste un mystère : le plus grand, le Français, (une reconstruction des années 1930, du navire qui permit au Commandant Charcot ses premières expéditions polaires) dominait l’ensemble d’autant qu’il déferlait chaque jour ses énormes phares carrés. Barr Awell, lui, était certainement l’un des plus petits et semblait écrasé par d’autres géants comme l’Étoile du Roy (réplique d’une frégate du XVIIe siècle), la Belle Poule (Marine nationale, ancien des Forces Navales Françaises Libres) Celle-ci était particulièrement chez elle dans le bassin n°1 comme l’un des deux derniers modèles de goélettes à hunier paimpolaises (avec l’Étoile) et en compagnie de Marité, leur grand ancien, trois mâts goélette de Fécamp. Le Biche (dernier dundée de Groix) blanc comme une mariée, semblait l’unique représentant du pays de Lorient.
Particulièrement intéressant parmi ces « gros » était Phoenix, un brick-goélette danois bien caractéristique des navires corsaires de la fin de la guerre de course vers 1830 et dont l’équipage, respectant l’étiquette navale, saluait de coups de canon (en fait des pétards introduits dans le petit pierrier de la dunette) après que nous l’eussions nous-mêmes complimenté de trilles du sifflet de bosco. Le doyen de toute la flotte était Marie Fernand, cotre pilote du Havre construit en 1894 ; le « gros » préféré de Marc, pour qui c’est l’une des plus jolies carènes.

L’as-tu vu mon p’tit lougre ?

Les lougres ou flambarts comme Barr Awell se déclinaient dans plusieurs tailles et plusieurs modèles, transport de passager ou coquillier normand, sablier de la baie de Saint-Brieuc (un « dragou »), sardinier de la baie de la Vierge. Ar Jentilez, Eulalie, grands frères de Barr Awel se distinguaient par l’élégance de leurs étraves droites et leur longue voûte rasante. Barr Awell, l’un des plus petits, nous a semblé être le seul représentant des lougres de Loguivy, qui se caractérisent par le fait qu’ils ne sont guère pontés. Cette flottille était un peu écrasée par les gros navires et si elle était concentrée sur les mêmes pontons, on en distinguait difficilement la beauté de leur carène.

Trois jours de musique avec les troubadours

Nous sommes rentrés chaque soir et retournés chaque matin de Locquémeau mettant fortement à contribution Françoise qui nous a convoyé le matin avant de se rendre à son travail et souvent tard en soirée. Il a fait si beau que la tentation était de rester dormir sur le pont, mais nous n’avions guère prévu ni toile abri, ni duvets. Le pilotage de Françoise nous a rendu un grand service. Le soir de l’arrivée les organisateurs nous ont réunis pour un grand repas des équipages ponctué de nombreux chants. Les chorales présentes ont entrainé les convives dans une ambiance de tonnerre de… Paimpol. Chaque jour des milliers de visiteurs ont déferlé sur les quais et certains d’entre nous ont choisi de rester pour les nombreux concerts du soir.

Convoyage en courant

Lundi matin, lors de l’ouverture du bassin, la foule était encore présente et applaudissait à nouveau chaque bateau à son tour. La journée nous a conduit à Tréguier en rattrapant le phare de Héaux par le nord de Bréhat. Le lendemain, nous sommes partis de Tréguier une heure avant la fin du flot afin de profiter de six heures de jusant dès notre sortie du chenal. Seule difficulté de la journée, une forte houle d’Ouest-Nord-Ouest venant contrarier le courant de marée qui améliorait singulièrement notre marche. Le cap était difficile à garder. Si à l’aller nous avions manqué d’un compas de route bien lisible, nous avons heureusement disposé cette fois-ci d’un beau compas, astucieusement monté par les soins de Jean-Yves sur un support mobile très pratique. Le passage entre le Nord de Trégastel et l’Ouest de Trébeurden par la bouée cardinale de Bar ar Gall n’a pas été de tout repos avec une mer agitée et des creux rapprochés qui n’ont pas impressionné Bertrand pour l’une de ses premières sorties. Dès que passé le Taureau, la baie est devenue bien calme et nous avons mouillé devant la petite cale une bonne heure, le temps que le flot nous permettre de gagner le mouillage.

Marc Hallais